C'est le moment d'attendre, en stratège
"J'avoue que je freinais un peu la mise en place des projets car je n'étais pas consultée au démarrage, et moi je veux co-construire, murmure Nicole en rougissant.
- Ah je comprends... peut-être que je veux aller trop vite, et comme je voudrais qu’on soit soudées, j'empiète un peu sur votre périmètre.. reconnait Béatrice avec un sourire désolé.
Le coaching de binôme permet vraiment à ces deux dirigeantes de se dire des choses puissantes ! Elles prennent ce temps de recul indispensable pour améliorer leur collaboration, et le reste peut bien attendre 2h.
Attendre maintenant ? En mars 2024 ! Bizarre, me direz-vous! Avec l'arrivée du printemps, on a envie :
D'agir et que ça avance !
De se lancer dans... ! De pousser pour ... !
De sauter sur l'occasion de ... !
Eh bien je vous propose plutôt de réfréner votre élan, de respirer à fond et de bien regarder : d'abord en vous, puis autour de vous.
Un(e) stratège prend du recul et de la hauteur pour maximiser l'impact de son action. Pour cela, il/elle s’observe et s’écoute, observe et écoute son environnement.
Regarder en vous: je parie que ça s'agite et que ça cogite beaucoup, ça se voit que vous êtes fatigué(e). Probablement vous en faites trop, pour un résultat insatisfaisant voir frustrant.
Regarder autour de vous: ça n'avance pas vraiment, c'est mou, quand ça ne freine pas carrément.
Alors, surprenez votre monde, ralentissez ou arrêtez simplement de pousser.
Cela va déstabiliser le système autour de vous, et il va se réargencer d'une manière plus équilibrée : si vous en faites moins, les pairs et les collaborateurs vont prendre leur place et l'initiative pour combler le vide que vous leur laissez.
Si vous ne poussez plus, les résistances à vos projets vont se détendre, tout à coup il y aura de la marge de manoeuvre des deux côtés.
Et surtout, vous allez donner aux autres, l'envie de collaborer avec vous et même de se donner à fond.
L''art d'agir sans effort c'est la capacité à ralentir, à retenir les chevaux et même à mettre en pause des projets et des décisions, quand ce n'est pas le bon moment.
C’est la capacité stratégique à s’appuyer sur les autres et sur les freins plutôt que de les combattre.
En lien avec cet art d’économiser son énergie, j’ai lu un intéressant article de Philonomist.com (janvier 2024, je l’ai un peu raccourci) sur le mythe du dirigeant infatigable, qui ne dort pas et qui épuise ses équipes!
“Imaginons que vous entrez à l’hôpital pour une intervention délicate, et apprenez que votre chirurgienne n’a pas quitté le bloc opératoire depuis trente heures. Vous seriez plutôt inquiet, non ? Pourtant, dès que l’on quitte l’hôpital pour s’intéresser aux grands patrons ou aux hommes politiques, cette inquiétude s’évapore. Récemment, Gabriel Attal était ainsi décrit en « travailleur infatigable », capable d’« enchaîner plusieurs nuits sans sommeil ». Idem pour Donald Trump ou pour l’ancienne PDG de PepsiCo Indra Nooyi, qui se vantaient de faire des nuits de quatre heures.
Depuis Churchill, qui passait davantage ses nuits à boire qu’à dormir, le mythe de l’infatigable dirigeant continue de faire rêver. Étonnant, quand on sait l’importance qu’a pris ces dernières années la question de la santé et du bien-être au travail. D’un côté, on cherche à prévenir les risques psychosociaux, à mieux prendre en compte la pénibilité, à valoriser le sport et l’équilibre entre vie de famille et travail… Mais de l’autre, diriger une entreprise ou un pays en ne dormant que quatre heures par nuit est encore toléré, voire salué.
Plus lents et moins créatifs, les employés qui n’ont pas assez dormi se dirigent vers des tâches plus répétitives et optent pour les solutions faciles. Pire encore : moins une personne dort, plus elle est immorale : les employés dormant six heures ou moins sont plus prompts à mentir ou à s’attribuer les mérites d’autrui.
Outre une baisse de productivité personnelle, un(e) dirigeant(e) fatigué(e) a aussi du mal à se contrôler : il/elle multiplie les abus et les erreurs de jugement, tirant ainsi tout le monde vers le bas.
À cela, les noctambules répondent souvent qu’ils sont des « petits dormeurs » qui ont su s’organiser. Quelques mois après son élection, le président Emmanuel Macron : « J’ai toujours peu dormi, donc cela me coûte très peu ». En réalité, les « petits dormeurs » ne constituent qu’une minuscule partie de la population (1% à 3%). Les autres, la grande majorité sont simplement insomniaques car trop stressés.
La veille forcenée ne serait que le prolongement du contrôle que l’esprit est censé exercer sur le réel. Dormir, c’est perdre la folle bataille contre son corps, s’abandonner, se détendre en faisant pleinement confiance à son environnement.
Les dirigeants qui se vantent de traiter les sujets les plus épineux en alignant les nuits blanches ne sont pas juste contre-productifs, mais dangereux pour la société dans son ensemble. Comment prendre les bonnes décisions pour un collectif humain si on se traite soi-même comme un demi-dieu ? Si l’on essaye de s’extraire de la vie biologique, que l’on méprise ou que l’on craint ? Comme le formule le peintre Goya, « le sommeil de la raison engendre des monstres » : on pourrait en dire autant du manque de sommeil. “