Être à sa place

« Ça commence parfois par une inquiétude ou un malaise. On se sent en décalage, on craint d’agir de manière déplacée. On a le sentiment de ne pas “être à sa place”. Mais qu’est-ce qu’être à sa place, dans sa famille, son couple, son travail ? Quels sont les espaces, réels ou symboliques, qui nous accueillent ou nous rejettent ? Faut-il tenter de conquérir les places qui nous sont interdites, à cause de notre genre, notre handicap, notre âge, notre origine ethnique ou sociale ? Peut-être faut-il transformer ces lieux de l’intérieur et s’y créer une place à soi ? »

C’est un extrait du livre “Etre à sa place - Habiter sa vie, habiter son corps” de Claire Marin, éditions de l’Observatoire, 2022. C’est un livre de philosophie et non pas de développement personnel, donc il pose des questions … sans y répondre. Il ne parle pas du monde professionnel, encore moins du coaching et pourtant il m’inspire un article car j’aurai aimé l’écrire.

En effet, la quête identitaire et relationnelle de la place, symbolique et réelle traverse très souvent les coachings. C’est toujours PAR RAPPORT AUX AUTRES que se définit ma place. Il y a un enjeu relationnel qui intéresse donc le coaching. Le projet d’être à sa place est aussi un processus créateur. Tout comme le coaching - en cela leur intention est similaire - qui permet à celui ou celle qui le vit de se réinventer en partie.

“Etre à sa place”, c’est à la fois “un désir personnel et un nouvel impératif social”: il FAUT trouver sa place, il FAUT prendre sa place mais il FAUT aussi savoir laisser de la place à l’autre. Comment trouver le juste dosage?

La question de la place survient toujours après qu’on nous ait déjà attribué une place : on commence par habiter un corps, avoir un nom, tenir un certain rang dans une fratrie, et appartenir à un milieu social, voire à un lieu. Il semble impossible de réfléchir à sa place indépendamment du rapport aux autres, mais il est certains que certaines places nous sont interdites, par les préjugés, les regards, et par des injonctions implicites ou explicites.

Vous êtes vous déjà demandé si vous occupiez la bonne place dans votre vie professionnelle ? Si vous preniez trop de place ou pas assez de place ?

J'ai identifié les 6 problématiques de place les plus fréquentes rencontrées dans mon métier :

  1. je ne suis pas à ma juste place: je devrais occuper le poste du dessus (mais on me reconnait pas à ma juste valeur). Le coaching va me permettre de me voir faire, pour prendre conscience de la place que je prends, de comment je la prends, de comment je me positionne par rapport aux autres. Quand j'aurai repris confiance en moi, je vais m’autoriser à prendre le risque de demander ce dont j’ai besoin.

  2. je me suis trompé de place, je dépéris alors que je pourrai m’épanouir dans un autre domaine. En me faisant accompagner je vais mettre aux jours les valeurs et croyances qui m’ont conduit à faire les choix que j’ai fait (et qui ne me conviennent plus) et à reprendre une marge d’autonomie par rapport à mon héritage familial, social, culturel … Je vais m’autoriser à tracer une voie nouvelle qui n’appartient qu’à moi.

  3. j’occupe une place que je ne pense pas mériter (syndrome de l'imposteur) alors j’ai tendance à me saboter, par exemple en évitant le contact avec ma hiérarchie et mes pairs de peur de leur jugement. Je vis dans la terreur d’être démasqué. Avec mon coach, je vais expérimenter une relation de sécurité, de confiance dans laquelle j’ai une place unique. Je vais vivre avec cette personne neutre et accueillante l’effet que cela me fait d’être reconnu car écouté, et regardé ses jugement. Je pourrais en tirer des ressources nouvelles, me détendre, respirer, trouver la force d’oser dire et finalement m’autoriser à me sentir légitime.

  4. quelqu’un veut me prendre ma place, parle “à ma place” et je suis obligé de lutter pour protéger mon territoire. Cela me mine, me décourage, me révolte. A l’occasion de la relation avec mon coach, je vais apprendre à poser des limites et à développer une “saine agressivité” qui me permettra de me sentir en sécurité et sûr de moi dans mes relations de travail. En clair, je vais oser dire “non” et “stop”. “Le territoire, comme nous l’a appris Deleuze, est aussi et peut-être surtout sonore. Là où je peux parler, où j’impose ma voix, j’affirme mon droit à une place” (p. 236)

  5. je n’ose pas prendre ma place : en réunion je garde mes idées pour moi, je tais ma voix. Au quotidien je laisse les autres s’attribuer mon travail. Le processus de coaching va être mon terrain de jeu pour apprendre à occuper l’espace. Je vais m’y entraîner à écouter mes ressentis physiques et émotionnels et à m’appuyer sur mon corps et sur cette intuition qu’il me transmet. Je saurai bientôt me lancer au bon moment, poser ma voix, capter l’attention et gagner en impact dans mon équipe.

  6. je prends toute la place (car j’ai une fort besoin de contrôler mon environnement), mais mes collaborateurs se plaignent et mon manager veut que j’apprenne à déléguer. Le coaching (prescrit le plus souvent) va me faire vivre une relation nouvelle au sein de laquelle je peux enfin poser les armes, m’abandonner en toute sécurité et oser montrer ma vulnérabilité. Pour une fois, n’ai pas besoin d’exercer mon contrôle … je vais découvrir une autre façon d’être au monde et apprendre à me relaxer et à faire confiance aux autres.

HABITER SON CORPS (premier sous-titre du livre que je trouve très pertinent)

“Ne pas se sentir à sa place c’est aussi et peut-être même d’abord se sentir mal dans sa peau.” Pour certains, leurs corps est une cage dont ils aimeraient s’échapper, une enveloppe qu’ils voudraient modifier. “La relation à notre corps est trop souvent médiatisée par le regard ou le discours” des autres, regrette l’auteure. C’est pourquoi il est si difficile de s’aimer ou, au moins, de s’accepter comme on est.

L’accompagnement coaching est souvent l’occasion de mieux habiter son corps. Beaucoup de gens subissent leur corps comme un obstacle à la fameuse performance: douleurs de dos, insomnies, tensions dans les épaules, boule aux ventre les empêchent d’être “au top”…. Ce corps nié, maltraité que les coachés réapprennent à écouter, sentir, pour utiliser plus finement chaque information qu’il envoie : l’état d’âme, l’état d’esprit, les humeurs, les douleurs singulières, la qualité du sommeil, la capacité à rêver … Le corps comme espace de sécurité, lieu fiable est toujours à (re)découvrir car il change avec l’âge : apprendre à s’explorer, à se visualiser intérieurement (but des arts martiaux internes), à dialoguer avec son intériorité et à utiliser sa respiration pour s’apaiser, s’endormir ou se mettre en énergie est probablement la plus grande compétence stratégique. Si je suis bien avec moi-même je peux être bien avec les autres. L’inverse est malheureusement fréquent : je ne m’aime pas, je ne “m’écoute” pas, je me juge et me réprime durement. Du coup, je fais vivre la même choses à mon entourage sans m’en rendre compte.

HABITER SA VIE
Pour Claire Marin, “la place est synonyme d’engagement, d’inscription dans la durée. Elle est rapport au lieu, tout autant que rapport au temps. Elle est relation à soi et à autrui qui oblige, qui lie. C’est pour cette raison qu’elle inquiète”. De l’extérieur, on peut définir ma place avec des catégories toutes faites, par exemple : « Je suis coach », « Je suis mère », “Je suis en couple”, « Je suis Parisienne » et d’autres catégorisations sociales que l’on pourrait identifier à partir de mon mode de vie. Mais ma réalité est plus complexe, elle inclut mon histoire et ma préhistoire, ma créativité, mes secrets, la mission que je me suis donnée sur cette terre, mes rêves et mes espoirs…

“Il s’agit moins d’avoir un lieu à soi que d’avoir un lieu à part, qui est aussi un lieu en soi. Un lieu qui (…) me permette un exercice libre de création et de réflexion”, écrit Claire Marin. En effet, je mesure chaque jour l’importance d’avoir investi dans un bureau pour exercer mon métier de coach et superviseure. C’est un lieu extrêmement important pour mon identité professionnelle. Le risque de le perdre, au moment de la crise covid, a été très anxiogène. Il m’est indispenable, même si je sais bien que je peux faire ce métier partout, et que rien ne dure.

Pour comprendre quelle place j’occupe et comment je l'occupe et pouvoir éventuellement changer ma façon d’être à ma place, je bénéficie de plusieurs types d’accompagnement (thérapie, supervision de coaching et de superviseure) qui me permettent de prendre le recul nécessaire, comme autant de miroirs, pour me regarder faire et m’autoriser des pas de côté.

Encore reste-t-il à savoir si le propre d’une place n’est pas plutôt de sans cesse se déplacer, ou de déplacer celui qui croit pouvoir s’y installer… Car l’identité est mobile: chaque jour, je suis un peu différente d’hier, en évolution permanente et parfois imprévisible !

Et vous, comment abordez-vous le sujet de la place?

Comment parleriez-vous de votre place?

Quelle métaphore émerge lorsque vous pensez à cette place?

L’été et les vacances qui reposent sont des moments de vide fertile pour penser à sa place, à ses places.

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